Comme toujours, Margaret voulait se changer les idées. Souffler, un peu. Oh, certes, elle aimait les ambiances du musée et de la bibliothèque du quartier ouest ! Leur tranquillité, leur silence. Elle y restait des heures avant que le bâtiment ne ferme, ce qui faisait que la jeune fille se dépêchait vite de rentrer, quand il y avait encore du monde dans les rues. Mais, la demi-déesse devait avouer, que peut-être des fois, c'était étouffant. Tous ces gros livres, empilés les uns sur les autres, sur des centaines d'étagères qui pouvaient menacer n’importe quand de lâcher ! Toutes ces peintures, ces sculptures, certes très beaux, aux yeux de Margaret, mais tellement répétitifs . . . Toujours les mêmes . . . C'était pourquoi elle s'était rendu ici, au quartier nord.
Traîtresse ! Déserteuse !
D'accord, ce n'était pas l'endroit idéal pour quelqu'un comme elle, dans le sens où il s'agissait d'une zone habitée, mais le lieu était tellement beau ! Un emplacement géographique des plus merveilleux. Ah, si seulement la blonde avait assez de drachmes pour pouvoir se payer une de ces magnifiques villas, ou un de ces manoirs ! Qui, eux, quelques fois, lui rappelait celui de chez elle, à Manchester.
Avant, elle habitait aussi dans un grand manoir. Il y avait largement de la place pour elle, sa sœur, son frère, et leur père ! Et l'Anglaise en connaissait tous les passages secrets, qu'elle avait partagé avec son aînée et son cadet. Allant de la cachette dans le mur de la salle à manger, derrière la commode, au trio de planches du rez-de-chaussée qui donnait sur un espace condamné du sous-sol. C'était un peu comme un labyrinthe, son manoir. Oh, elle se souvenait encore d'Alastair, faisant la moue et les bras croisés, quand il perdait au cache-cache car ses deux sœurs s'étaient planquées dans des endroits insoupçonnés !
Enfin bon ! Tout ça, c'était du passé, maintenant. Désormais, elle était une demi-déesse, fille d’Éris, comprenait le grec ancien à la perfection et avait pour passe-temps, semer la discorde quand l'humeur lui venait et aller se perdre dans des endroits qu'elle jugeait calme, reposant, loin des brouhahas stupides des autres habitants de cette ville. D'ailleurs, elle se demandait toujours, pourquoi aux États-Unis ? Parce que le rêve américain, cela vend mieux ? Les dieux grecs avaient-ils réellement besoin de cela ? La Northumberland en doutait, très fortement. Mais bon . . . Elle n'avait pas envie d’aller voir quelqu'un pour aller lui poser la question directement. Savez-vous à quoi cela résultait, Margaret et la sociabilité ? Zéro pointé.
Et pourquoi se pourrissait-elle la tête avec toutes ces pensées ! Son objectif était de se vider l'esprit ! Pas l'inverse ! Dans sa promenade, la jeune femme s'arrêta pour souffler un grand coup, les yeux clos, les poings serrés, commençant à de moins en moins forcer, jusqu’à ce que ces mains, ouvertes, retombent le long de son corps, relâchant sa respiration. Zen, Margaret.
La jeune fille arrêta sa marche devant un coin où se trouvait quelques arbres semblant être en fleurs. Elle trouva leur feuillage magnifique . . . Pas étonnant que beaucoup de personnes viennent vivre ici, avec un si beau paysage à la fenêtre ! Elle se posa à cet endroit, admirant. Il n'y avait que le bruit de la fine brise . . . Un domaine de paix.
Elle referma les yeux, sa tête se vidant avec ce vent léger qui venait lui caresser la peau et les vêtements.
Lynx se baladait, son violon à l’épaule, dans le quartier nord. C’était ici qu’il habitait et la vue était toujours magnifique, une source inépuisable d’inspiration pour un artiste tel que lui, il comprenait pourquoi ses parents avaient décidés de vivre ici. C’était l’endroit de vie idéal pour n’importe quel créateur et même si l’on en était pas un il était impossible de ne pas apprécier le paysage d’un tel lieu. Le jeune garçon aimait bien marcher dans ce quartier, non seulement il n’était pas loin de chez lui si il avait besoin de rentrer mais ce n’était pas tout, les rues étaient calmes ce qui permettait de se détendre et marcher sans vraiment avoir besoin de faire attention aux alentours, l’endroit était sûr donc il ne risquait rien et il ne se lassait jamais de la vue à couper le souffle. Marcher était toujours agréable pour Lynx, sentir le soleil contre sa peau, sentir la chaleur réconfortante de l’astre solaire et savoir que quelque part là-haut se trouvait Apollon, il ne manquait jamais de le remercier durant les jours ensoleillés. Le vent pouvait être agréable comme désagréable, aujourd’hui il était agréable selon Lynx et le jeune demi-dieu profitait pleinement de sa promenade relaxante.
Il n’avait pas toujours besoin de son violon mais il ne s’en séparait jamais, après tout on ne savait jamais quand est-ce que l’inspiration pouvait frapper et il ne voulait pas ne pas être en mesure de la suivre quand cela arrivait. De ce fait il amenait son violon absolument partout avec lui. Certaines personnes amenaient toujours de quoi manger, d’autres à boire, d’autres encore de quoi se refaire une beauté, Lynx lui amenait son violon. C’était son bien le plus précieux et une partie de lui-même, il y tenait plus que tout au monde même si il avait conscience qu’il survivrait à son instrument de musique, il ne voulait pas y penser. Ses pas le conduire vers un endroit plus boisé que les autres, là où de nombreuses personnes aimaient bien s’arrêter, il y vit d’ailleurs une jeune femme qui semblait regarder les arbres fleuris. Lynx connaissait un peu les résidents du quartier nord et il ne manquait jamais d’être poli en saluant chaque personne qu’il voyait, qu’il ne les connaisse ou non ne changeait rien. Bien sûr ses parents lui avaient appris à ne pas parler aux inconnus, mais ils lui avaient aussi appris à être poli alors il disait bonjour aux gens qu’il croisait. Après tout il n’y avait personne de mal intentionné ici, il ne risquait rien. C’est donc ce qu’il fit cette fois-ci aussi, il s’avança près de la demoiselle qu’il voyait de dos et la salua avec un sourire fleurissant sur son visage d’ange.
« Bonjour mademoiselle ! Vous êtes venus observer les arbres en fleurs ? Ils sont magnifiques. »
La jeune femme croyait qu'elle allait être seule, aujourd'hui . . . Et bien, elle avait loupé ses pronostiques ! Qui étaient donc ces personnes venus troubler son havre de paix ?
Cependant, en même temps, dans un lieu pavillonnaire, il ne pouvait que y avoir du monde, par-ci par-là, quittant ou rentrant chez eux, venant passer la journée chez une connaissance, ou quelque chose du genre. Oh, mais tant que ce n'était pas un déplacé, un idiot de première catégorie, ou bien q'autres personnes venus pour ennuyer leur monde, cela allait. S'il étaient polis, respectueux, qui ne venaient pas l'aborder tel un bourrin au nez rougit, là, éventuellement . . . Margaret pouvait tolérer leur présence. Elle faisait vraiment des efforts, à ainsi faire des fleurs pareilles ! Cela ne lui ressemblait guère. Mais, de toutes façons, elle les ignoreraient, leur adressant à peine la parole ; c'était ainsi qu'elle procédait toujours. Enfin . . . Du moins, c'était ce qu'elle prévoyait de faire.
Elle respirait l'air pur du lieu, les yeux clos et, oh ! Que vois-je ? Une forme ressemblant vaguement à un sourire sincère sur le visage de Margaret ? Sorcellerie ! Cet action ne devait se produire qu'une fois par an ! Cela devait être sa résolution annuelle : Sourire avec sincérité au moins une fois . . . Une toute petite fois . . .
Pendant ce temps-là, tandis que la fille d’Éris était dans ses pensées, des pas se firent entendre, qu'elle ne remarqua pas ; au début. Quand une faille se présenta à elle pour quitter ses songes, elle le prit, entendant par cette même occasion les sons venant de derrière elle. Oh, non ! L'Anglaise priait pour que cela soit une personne idéale qui, au mieux, n'allait pas la remarquer ! Oui, voilà ; qu'elle devienne invisible ! Puis il parla ; car oui, c'était une voix masculine. Une douce voix, sans aucune agressivité ou méchanceté dans le ton, la saluant comme il se devait d'être. Enfin, quelqu'un avec un minium de politesse et de savoir-vivre ! La jeune femme divine en soupirerait presque, avant de se tourner pour au moins faire face à cet homme, pour lui montrer que elle aussi, savait se montrer courtoise. Enfin, notamment avec les personnes qui le lui rendaient bien. Les autres, elle était plus que froide, un air hautain sur le visage, en train de juger sans pour le moins du monde le cacher.
La Britannique le regarda pendant quelques instants, le temps de réfléchir : Elle connaissait ce visage . . . Du moins, dans ses souvenirs. Margaret ce souvenait d'un jeune garçon avec un violon, mais était-ce vraiment lui ? L'avait-elle réellement vu dans la réalité véritable ? Ce souvenir-là, n'étais-ce pas plutôt un rêve ? Un rêve bien trop réel ? Mais si seulement l'avait-elle réellement croisé, même vaguement, quelque part, sûrement au coin d'une rue, un échange de regards à peine remarqué des deux parties. Le blond avait une petite bouille d'ange, il ne fallait pas le nier . . . Et nom de Zeus que c'était désagréable à avouer ! Elle grimaça mentalement avant de se décider à lui répondre, tout aussi poliment. Lui était courtois, vraisemblablement, alors elle se devait de faire de même !
Ah, qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour garder une réputation intacte !
— Bonjour. Elle regarda quelques secondes les arbres fleuris, avant de revenir vers le violoniste. Je me promenais, avant que je n’atterrisse ici.
C’était court, mais tout ce qu'elle avait à dire était dit. La Northumberland ne comprenait point les personnes qui en faisait des caisses pour une simple phrase ; elle, allait droit au but, ne voulant pas tourner inutilement autour du pot. Ceux qui utilisaient mille et un mots juste pour parler de leurs souliers, merci bien, mais très peu pour Margaret.
Le sourire ne quitta pas un seul instant le visage de Lynx. Quand la jeune demoiselle se retourna pour lui faire face son sourire ne fit que tripler de volume, d’une part car Lynx aimait sourire aux autres et d’autre part parce que la fille qui se trouvait devant lui était divine. De magnifiques longs cheveux blonds qui reposaient délicatement sur les hanches, des yeux d’un bleu si pur que Lynx se noyait dedans et ne semblait plus pouvoir en sortir, une magnifique robe qui épousait ses courbes et malgré le fait qu’il n’y avait pas de sourire présent sur son visage Lynx la trouvait sublime. Enchanteresse, envoûtante, ensorcelante. Il se perdit quelques instants dans la contemplation de la créature parfaite qui s’offrait à lui avant de se forcer à reprendre ses esprits car cette belle femme venait de lui parler et il se devait de lui répondre.
« La vue est magnifique ici, elle donne de l’inspiration à tous les artistes. Je connais tous les plus beaux endroits du quartier si voulez que je vous les fasse découvrir ? »
Lynx ne voulait bien entendu pas se séparer aussi rapidement de cette jolie demoiselle si il pouvait allonger le temps passer avec elle. Il ne voulait pas non plus la déranger et il comprendrait qu’elle préfère rester seule à admirer le paysage à son rythme plutôt que de devoir suivre un guide alors que ce n’était pas du tout ce qu’elle avait prévu de faire. Mais si jamais elle acceptait Lynx se ferait une joie d’être un guide agréable et de lui faire passer un bon moment. Peut-être qu’il pourrait même lui faire écouter une de ses mélodies et l’impressionner avec.
Margaret nota que le garçon aimait beaucoup sourire. Ou, du moins, le pratiquait beaucoup ; à aucun moment dans leur conversation il n'avait cessé de le faire, comme si c'était collé à son visage et qu'on ne pouvait le retirer. Totalement à l'inverse de la jeune fille, donc ; elle qui ne souriait tellement peu, que quand cela arrivait, il fallait présager la fin du monde. Quand le blondinet commença à parler de nouveau, elle l'écouta attentivement. C'était d'ailleurs à ce moment-là qu'elle remarqua leur couleur de cheveux et d'yeux similaire, ainsi que l’instrument à cordes qu'il transportait avec lui. Détails inutiles, certes, mais l'esprit de la demi-déesse avait pris soin de les souligner.
Et c'est qu'il avait raison, le violoniste ! La vue que donnait cet endroit était sublime, et seul un crétin pourrait le nier. À sa proposition, elle devina que le jeune garçon devait vivre dans ce quartier, pour affirmer aussi bien le connaître. Ah, elle espérait un jour avoir fait assez d'économies pour pouvoir s'acheter une belle maison dans ce quartier des plus splendides, et ainsi profiter de toute la beauté et de toute la fraîcheur dont regorgeait ce lieu. Pourquoi croyez-vous que le temple de la séduisante et magnifique Aphrodite se trouvait ici ?
Cependant, son côté solitaire lui hurlait de catégoriquement refuser cette offre, tandis que son envie secrète de sociabilité lui chuchotait gentiment que cela pourrait être un grand pas dans cette quête . . . Dilemme cornélien ! Pourquoi ne pouvait-elle point choisir normalement, comme tous les autres, sans prise de tête ? Elle soupira mentalement avant de regarder le jeune garçon. Ah, ce petit rire sans éclat . . . L'Anglaise avait beau afficher un visage neutre, sans sourire, sans une émotion dans le regard, elle trouvait le blond assez chou, dans son genre. Oh, elle était persuadée qu'il devait faire fureur ! Avec les autres gamines niaiseuses de son âge.
D'une voix ferme, décidée, elle dit :
— Je ne dirais pas non à découvrir un peu plus cet endroit. Une belle façon d'accepter sans réellement le dire.
Tournure de phrase qui correspondait bien à la demoiselle ; dire quelque chose sans que cela ne soit explicite, s'amusant avec les sous-entendus et autres degrés. Elle regarda tout autour d'elle les arbres toujours autant en fleurs, comme pour éviter le blond ; des pétales roses pâles, ici et là, un peu partout dans les branches, sur l'eau, dans l'air, sur le sol. Une bourrasque et une petite tornade rosée se formait.
Yes ! Elle voulait bien qu’il lui serve de guide ! Lynx aurait sautiller de joie si il ne s’était pas retenu dans l’espoir de faire bonne impression. Maintenant qu’elle voulait bien passer plus de temps avec lui il ne fallait pas qu’il gâche ses chances ! Avec un grand sourire il la guida à travers le quartier en lui montrant tous les lieux qu’il jugeait digne d’intérêt, tous étaient aussi resplendissants les uns que les autres et Lynx ne se lassait jamais de les voir. C’était des endroits idéales pour se détendre et venir avec des personnes qui nous étaient chers pour apprécier la beauté de la nature et peut-être aussi pour recevoir la bénédiction d’Aphrodite, car après tout si ces lieux étaient aussi beaux c’était parce que les Dieux étaient d’autant plus présent ici. Peut-être qu’un jour lui aussi viendrait avec une fille qu’il aimait et qu’ils se feraient bénir par Aphrodite. L’idée le fit rêver et il se perdit dans ses pensées, ne regardant pas où il marchait il se prit un lampadaire dans la figure et la douleur fusilla sur son visage. Cela faisait tellement mal que des larmes coulèrent de ses yeux bien qu’il essayer de les retenir, ce n’était pas cool du tout de pleurer devant une fille !
Lynx n’osa pas regarder la demoiselle et essaya de pleurer silencieusement mais cela aussi ne semblait pas vouloir marcher. Qu’avait-il fait pour se ridiculiser ainsi devant une file ? Il essaya donc de continuer son chemin comme si de rien était et se dirigea vers l’endroit du quartier qu’il considérait le plus merveilleux. C’était une place avec une fontaine en son centre et des bancs tout autour pour profiter de la fraîcheur de l’eau durant les jours les plus chaud, il y avait aussi des bancs aux extrémités de la place qui étaient bordés par de magnifiques arbres et toute sortes d’arbustes et de haies. Lorsque les arbres étaient en fleurs cet endroit était époustouflant et Lynx se dit intérieurement qu’il devrait ramener une fille ici un jour pendant que les fleurs éclosent. Son visage lui faisait moins mal et il avait arrêté de pleurer, il espérait que la demoiselle (dont il ignorait toujours le nom) ne l’avait pas vu, même si elle l’avait forcément entendu, il voulait essayer de se ridiculiser le moins possible.
« Et voilà c’est ici mon endroit préféré. Je trouve que c’est le plus beau de tous lorsque les fleurs fleurissent. »
Lynx fit son plus beau sourire à la demoiselle et la laissa admirer les lieux autant qu’elle le voulait. Il allait devoir trouver une autre excuse pour prolonger leur temps ensemble. Lui acheter une glace peut-être ? Oh mais les filles ne préféraient pas les fleurs ? Mais cela n’allait pas la faire rester plus longtemps avec lui…
Encore un sourire ! Décidément, il n'allait jamais arrêter ! Pas que cela ne gêne la jeune fille, au contraire, en fait : Un peu de vie, de gaieté à ses côtés ne la dérangeait aucunement ; cela contrastait avec son austérité. Devrait-elle apprendre à être plus positive, d'ailleurs . . . Mais cela n'était-il pas peine perdu, déjà ?
C'est ainsi qu'elle le suivit, regardant tous les lieux et recoins que lui indiquait le blondinet, tout aussi admirée que lui sur les paysages. L'emplacement des temples d'Héra et d'Aphrodite dans le quartier nord faisait sens quand on le visitait ; quels autres endroits auraient pu recevoir de tels monuments ? Aucun ; ici était l'idéal, vraiment. Elle se disait qu'elle devait vraiment, un jour, se payer une habitation ici ! Quand elle aurait quitté le lycée et ses dortoirs, évidemment, ainsi que sa petite demeure dans le quartier sud. L'Anglaise devra redoubler d'efforts pour proposer une maison propre et fonctionnelle pour la revendre à un bon prix. Margaret sortit de ses pensées en entendant un bruit de choc, plutôt proche ; elle se tourna et vit le pauvre Lynx, des petites larmes roulant sur ses joues, venant d’apparemment se cogner contre le lampadaire juste devant lui.
Puéril. Enfin, il venait de se manger un obstacle par surprise et pleurait sous la douleur, cette réaction était normale, elle devait donc tenter de le comprendre un minimum ; le pauvre . . . La blonde se donna une gifle mentale ; depuis quand avait-elle un semblant de pitié pour quelqu'un ? Un môme, de plus !
L'Anglaise continua de marcher à sa suite, ne faisant aucune réflexion sur ce qu'il venait de se passer. S'il se croyait grand, alors ça passera vite ! Et lui ne semblait pas vraiment vouloir en parler aussi, donc tout allait ; surtout, il n'y avait rien à dire en plus, en fait. Ils tombèrent alors sur une sorte de place, avec une fontaine et plusieurs bancs ; certains étaient entourés d'arbres et de haies. Elle se tourna vers le musicien, l'écoutant à nouveau ; elle passa son regard une nouvelle fois sur le lieu, qu'elle trouvait magnifique avant de commenter.
— Je comprend pourquoi : C'est beau et calme ; quelque peu romantique, je dirais aussi. Margaret ferma les yeux, une petite brise s'abattant sur elle, faisant voleter ses cheveux. Je retiens cet endroit.
Lynx réfléchissait toujours à ce qu’il pourrait faire pour prolonger le temps qu’il passait avec la belle demoiselle. Il avait définitivement de quoi leur acheter une glace chacun mais en voudrait-elle ? Le lieu était idéal pour un en-cas mais il était aussi idéal pour quelque chose d’autre. Lynx sortit son violon de son étui, le posa sur un banc, et ensuite se mit au milieu de la place, un immense sourire sur le visage adressé à cette belle femme qu’il avait sous les yeux, et ses mains se mirent en mouvement. Ses doigts caressaient les cordes de son bel instrument tandis qu’avec son autre main il maniait avec douceur et délicatesse l’archet. Lynx jouait une musique douce, une musique qui avait pour effet de calmer les battements de cœur des individus, de les détendre, mais aussi de les émouvoir. Le rythme était d’une telle douceur que l’on se prenait à le suivre instinctivement, attendant avec patience la suite de la mélodie et appréciant chacune des notes. Ce n’était pas une musique romantique, à vrai dire elle était même plutôt triste, elle vous entraînait dans un tourbillon d’émotions dont vous ne pouviez ressortir. Même quand ce genre de musique se finissait votre cœur et votre âme entendent toujours la mélodie et ne peuvent s’en défaire avant un moment.
Pour Lynx, ce genre de musique qui vous touchait au plus profond de votre être était ce qu’il avait de plus artistique et de meilleur. La musique était faite pour toucher les autres, pour leur faire ressentir des choses, même des choses qu’ils n’ont jamais ressenti auparavant. C’était le grand pouvoir de la musique, avoir un contrôle total sur ce que l’on pouvait faire ressentir à son audience, être le seul maître de ce qu’ils ressentent uniquement avec un petit instrument. Le joueur lui-même se laissa emporter par sa musique, fermant les yeux, et profitant de tout son être de ce qui se dégageait de son instrument à musique. Plus rien d’autre n’existait et n’avait d’importance à ce moment même, seul la musique comptait. Lorsque Lynx finit son morceau il rouvrit les yeux tout doucement et se sentait encore dans le morceau qu’il venait de jouer, son habituel sourire ne revint pas sur son visage et il avait un air contemplateur. Il se demandait bien quel effet sa musique avait eut sur sa spectatrice.
Alors qu'elle admirait encore et toujours l'endroit, quelque peu perdue dans ses pensées, elle se tourna vers le plus jeune, levant un sourcil en le voyant empoigner son violon et se placer au centre de la place. Ce sourire, toujours accroché à ses lèvres, comme s'il ne savait faire que ça, semblait être clairement adressé à la blonde. Un sourire juvénile ? Et puis quoi, encore ! Puis, il se mit à jouer. La Britannique s'était apprêtée à se couvrir les tympans de ses mains, quand . . .
Normalement, Margaret détestait la musique. Elle trouvait cela bruyant pour rien, et sans aucun intérêt. À chaque fois qu'elle en entendait, elle s'empressait de se boucher les oreilles et de fuir, loin de ce vacarme. Peut-être était-elle juste tombée sur les plus mauvais, les néophytes, les personnes bourrées qui tentent de faire de la musique mais qui ressemblait plus à une cacophonie de casseroles à l'agonie. Franchement, quel karma de merde ! Malgré ses premières impressions plus que désastreuses de cet art, elle dû, presque à contrecœur, reconnaître une chose qui l'empêcha de plaquer ses paumes des deux côtés de sa tête : Le gamin maniait bien le violon, et les tympans de la fille d’Éris ne se sentaient aucunement agressées. Quelle surprise, quel choc ! Au début, elle s'était demandé si ce soudain son émanait bel et bien de l'instrument du jeune garçon ? Ou bien d'autre part ? Le Paradis ? Le chant des sirènes ? Non, le violon.
N'étant guère douée en la matière, l'Anglaise ne repéra pas le ton triste du morceau joué, mais en capta la douceur, la délicatesse. Était-ce donc ça, la musique ? La vraie musique ? Elle ferma les yeux, comme pour mieux apprécier le moment, bien qu'intérieurement, elle trouvait son comportement nias à mourir. La demi-déesse fut comme . . . Emportée par ce son si mélodieux, si pur. Était-elle encore sur Terre ?
Une fois le morceau terminé, Margaret lâcha, avec une sincérité et une franchise surprenante :
— C'était . . . Commença-t-elle, comme si elle n'était pas sûre. Étrangement beau.
Venait-elle réellement de complimenter un gamin sur son morceau de musique ? Oui. Le pensait-elle vraiment ? Malheureusement, encore une fois, oui.
La jeune femme rouvrit elle aussi les yeux, regardant le violoniste. Elle fut surprise de ne plus voir de sourire sur son visage ; avait-il été contrarié ? Étonnant de sa part, elle pensa.
La demoiselle semblait avoir appréciée son morceau mais les mots qui sortirent de sa bouche firent froncer les sourcils de Lynx. Comment ça « étrangement beau » ? C’était beau oui ou non ? Ou alors elle ne s’attendait pas à ce que le jeune garçon sache jouer quelque chose d’aussi bien et c’était une surprise positive ? Lynx ne pouvait s’empêcher de se sentir frustré en ayant eut un retour pareil. Il voulait les compliments qui allaient avec son talent, il voulait qu’elle lui dise que c’était superbe, magnifique, qu’elle en restait sans voix ! Il ne pouvait se contenter d’une vague réponse comme « étrangement beau » ! Sentant la colère monter en lui, Lynx se força à reprendre ses esprits, ce n’était pas le moment de s’énerver et d’enchaîner morceau après morceau pour impressionner la fille devant lui…. Et puis pourquoi pas après tout ? Il allait lui montrer de quoi il était capable et lui offrir le meilleur concert de sa vie ! On verra après si elle n’avait qu’ « étrangement beau » à lui sortir ! Lynx remit son violon en position pour jouer, son esprit de compétition s’était déclenché et il était mortellement sérieux, il allait impressionner cette fille même si c’était la dernière chose qu’il ferait de sa vie. Adieu le sourire, il avait disparu pour laisser place à une expression de concentration intense et tout le sérieux de la situation se ressentait à travers le visage du violoniste.
Il enchaîna tous les plus beaux morceaux qu’il savait composer et n’attendait qu’une chose lorsqu’il jetait de vagues coups d’œil à la demoiselle, que son visage exprime la contemplation ultime. Qu’il voit la surprise, et l’émerveillement sur son visage, qu’elle ne sache comment réagir, que ressentir, et qu’elle se laisse entraîner par ce qu’elle écoutait. Lynx joua bien pendant près d’une heure avant qu’il ne mette un terme à son concert improvisé. Si la jeune femme n’était pas convaincu avec ça, elle ne le sera alors jamais. Ne voulant pas tout de suite réfléchir à ce qu’il avait vu sur le visage de cette dernière, il décida de suivre une de ses idées de tout à l’heure et d’aller leur acheter une glace. Par chance, il y avait un marchand de glace qui passait juste au même moment, ou alors il avait été attiré par la musique de Lynx. A bien y réfléchir il y avait beaucoup plus de monde que tout à l’heure, il avait attiré une petite foule de gens mais le violoniste ne les vit que maintenant, il avait été trop accaparé par les réactions d’une fille en particulier.
« J’ai très envie d’une glace, est-ce que tu en veux une aussi ? Je te l’offre. »
La demi-déesse le vit froncer les sourcils. Mais bon sang ! Que lui arriverait--il donc, à ce gamin ? Il était en train de se fâcher dans ses pensées ? Oui, mais contre quoi ? Qui ? Elle espérait que ce n'était pas de sa faute, car clairement, niveau louange, elle venait de battre un record !
Il replaça son violon, empoignant une expression sérieuse, stricte. Oui, il était déterminé. Mais à quoi, au juste ? À continuer de jouer ? Mais pour quoi faire ? Il allait finir par user les cordes pour rien ! Si ça se trouve, elles allaient même lâcher pendant ce nouveau morceau ! Mais bon. Margaret fut encore, une nouvelle fois et contre son gré, emportée par ce son. Quelle faiblesse ! Si sa mère la voyait, là, à laisser des failles s'ouvrirent dans son cœur de pierre, elle la tuerait ! C'était certain ! Les dieux avaient toujours des raisons absurdes pour lever une lame contre un autre, donc bon ; cela n'aurait été guère étonnant. D'autant plus pour celle ayant déclenché sans aucun scrupule la guerre de Troie, avec sa fichue pomme !
La blonde n'était cependant pas aveugle, elle avait très bien repéré le jeune garçon lui jeter des regards, alors qu'il laissait courir son archet sur son instrument. Quoi ? Voulait-il s'assurer que sa spectatrice taciturne n'allait pas voir ailleurs ? À quoi bon ! Tout ce qu'elle entendait était le son de son violon et tout ce qu'elle voyait dans les environs, lui et son instrument en bois ! Les yeux s'étant clos, encore, elle ne remarqua même pas qu'une heure s'était écoulée, sa notion du temps noyée. Quand on s'amuse, le temps passe vite, qu'ils disaient ! Margaret fut arrachée à ses songes quand la musique cessa, le visage quelque peu troublé par ce soudain arrêt, regardant l'autre blond, l’objet musical toujours en place contre lui.
Alors qu'elle allait commencer quelque chose, prête dans son élan, qu'elle fut coupée par les paroles du violoniste. Soit . . . De toute façon, elle ne savait si elle allait assumer ce qu'elle avait compté dire, donc bon. Était-ce une réelle bonne chose ?
— Une glace ? Margaret répéta, comme si elle n'avait pas bien entendu. Si tu le souhaites, cela ne me dérange pas.
Une crème glacée . . . Cela devait faire depuis son enfance qu'elle n'en avait pas mangée. Une vague de nostalgie la fit frissonner. Elle se revoyait elle, sa sœur et son frère à table, avec le pot au milieu de la table. Alastair était toujours le premier à se jeter comme un goinfre dessus tandis que Margaret faisait son possible pour le retenir un minimum, alors que Gwendolyn profitait de cette diversion pour se prendre une petite part et de la poser dans son assiette.
Au final, cela finissait toujours de la même manière : Alastair gagnait la bataille, et une bonne partie du trophée avec.
Alors qu’il faisait la queue pour acheter des glaces Lynx se remémora l’expression de la belle demoiselle quand il eut finit son concert. Elle avait fermée les yeux durant sa performance, elle s’était donc laissée transporter par les notes qu’il jouait. Son visage fut troublée quand il avait arrêté, elle était belle et bien emportée par sa musique et tout son être s’était concentrée dessus, on dirait bien qu’il avait réussit à l’enchanter avec ses sons mélodieux. Elle ne lui dit rien mais l’expression sur son visage était amplement suffisante pour Lynx, il avait reçu ce qu’il désirait comme réaction, il était satisfait de lui-même. Le vendeur l’accueillit avec un magnifique sourire ainsi que des compliments sur ce qu’il venait de jouer, Lynx ne rougit pas à la flatterie, il réagissait même de manière plutôt arrogante. Bien sûr qu’il était aussi doué. Bien sûr qu’il avait provoqué autant d’émotions au sein des personnes qui l’écoutaient. Il était génial c’était incontestable. Mais il gardait ses pensées pour lui et remercia le vendeur avant de demander une glace au chocolat pour lui-même et ensuite il hésita pour ce qui était de la jolie fille à la chevelure dorée, qu’aimerait-elle ? Le jeune garçon fixa les différents parfums un instant puis il fit son choix sur du thé vert. Cela semblait bien lui correspondre. Et si jamais elle n’aimait pas, peut-être aimerait-elle sa glace au chocolat ? Tout le monde aimait le chocolat après tout !
Le sourire revint sur le visage de Lynx, il paya les deux friandises et après avoir dit au revoir au vendeur ainsi que lui souhaiter une bonne journée il revint aux côtés de la demoiselle. Demoiselle dont il aimerait bien savoir le nom avant qu’ils ne se séparent pour le reste de la journée. Il lui tendit la glace au thé vert avec un adorable sourire, encore une fois inconscient de son charme.
« J’espère que tu aimes le thé vert ? Si ce n’est pas le cas je peux te donner la mienne. »
Lynx savait qu’après ce petit en-cas il serait temps de partir, il ne devait pas abuser du temps de la belle demoiselle, alors il comptait bien prendre tout son temps pour finir sa glace et lui poser des questions sur elle afin de mieux la connaître.
Elle regarda le petit blond partir vers le vendeur de glaces, tout joyeux, et tandis qu'il faisait sa commande, Margaret regarda ses pieds : Pour aucune raison. C'était juste comme ça ; tout d'un coup, le sol lui avait semblé intéressant. Il y avait des feuilles et des pétales un peu partout, par la faute des arbres environnant l'endroit, mais cela embellissait le tout. Ce qui était la beauté du quartier nord, en fait. Elle se perdit dans ses pensées, songeant à la fois à tout et à rien, tandis que le musicien revenait, une glace à l'italienne dans chaque main. L'une était marron et l'autre était verte. Elle devina aisément que le premier devait très sûrement être du chocolat, mas avait un doute sur le second ; beaucoup de parfums avaient cette couleur, après tout. Elle songea d'abord à du kiwi.
Par une presque ironie du sort, le violoniste lui tendit celle sur laquelle elle avait des questions. Évidemment. Un sourire niais était revenu sur le visage du petit, par ailleurs ; enfin ! Il redevenait normal ! L'Anglaise prit le cornet en question, écoutant ce qu'il avait à dire. Elle répondit simplement :
— Oh, si ; j'aime le thé vert.
La réponse lui semblait presque évidente, étant donné qu'elle était née en Angleterre, lui ne le savait pas, et ne pouvait donc techniquement lui jeter la pierre. Mais si cela pouvait en quelque sorte la rassurer, alors elle le ferait volontiers !
Margaret indiqua d'un mouvement de tête et de quelques paroles un banc non loin d'eux, pensant que c'était plus agréable de manger assit ; et puis, elle détestait faire ça debout ; elle ne saurait clairement expliquer le fond de ses pensées, mais d'était le cas.
Lynx fut rassuré que la jolie blonde appréciait le parfum qu’il avait choisi, il aurait été bien embêté si elle n’aimait aucunes des deux glaces qu’il avait pris. Même si cela ne l’aurait aucunement dérangé d’aller en acheter une autre (et ça lui en aurait fait une de plus pour lui ! Lui gourmand ? Non pas du tout!). Le jeune garçon sourit à sa réponse.
« Tant mieux ! On dirait que je suis doué pour deviner les goûts des jolies filles ! »
Il porta immédiatement une main à sa bouche quand il se rendit compte qu’il avait prononcé ces mots à voix haute. Ce n’était pas du tout ce qu’il avait prévu. Mais alors pas du tout. La honte, la gêne ! Il profita de la diversion apporté par la jeune femme en face de lui qui semblait vouloir s’asseoir pour se précipiter vers le banc afin de ne plus croiser son regard. Il baissa la tête et se concentra sur sa glace, il n’osait plus la regarder, et si elle avait mal pris ce qu’il venait de lui dire ? Qu’allait-il faire ? Il ne voulait pas tout gâcher ! Peut-être valait-il mieux faire comme si de rien était ? Et lui poser des questions comme il avait prévu à la base ? Commencer par se présenter semblait être une bonne idée après tout ce temps qu’ils avaient passé ensemble sans même connaître le nom de l’autre. C’était rare que Lynx reste aussi longtemps avec quelqu’un sans lui décliné son identité et l’anormalité de la situation lui fit se question sur le pourquoi du comment.
C’était sûrement car c’était une très belle femme, il perdait toujours ses moyens face à elles, et il avait plus essayé de l’impressionner jusqu’ici plutôt que de faire attention aux informations qu’il donnait sur lui. Son nom n’allait pas l’impressionner. Mais cela restait tout de même un élément essentiel quand on essayait de faire connaissance avec quelqu’un, de ce fait il se devait de le lui partager.
« Au fait c’est un peu tard pour le dire mais je m’appelle Lynx Fawley. »
Lui dire qu’il avait 13ans et qu’il était au collège la laisserait de marbre alors il passa ces informations sous silence. Il n’avait pas besoin de lui dire son ascendance, elle l’avait sûrement deviné au vu de son talent musicale. Seul un enfant ou descendant d’Apollon pouvait avoir un tel talent.
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