CARACTERE //Les yeux incolores comme son âme. Triste fantôme, fantôme brisé, brise violente sur le visage pâle d’Avalon. Les lèvres qui tremblent, le souffle court, le bocal se renverse. Petite fille déterminée qui courrait dans les rues vides, innocence volée au détour d’un feu rouge. Avalon perdu, Avalon secret, rempli de mystère qu’on pense si bien connaître. Elle qui rit doucement, elle qui surprend en souriant. Avalon de flammes et de pluie, jeune femme forte et enragée. Tempête effrénée. Les paroles crues qui découlent de sa bouche sans qu’elle y pense, elle qui aimerait vivre, un peu plus, un peu mieux. Avalon attend d’être sauvée. Avalon attend d'être découverte, sous ses couches d’assurance et de témérité. Avalon fragile, enfant tangible. Au bord du gouffre elle se balance, au creux des mains d’un Dieu aveugle. Elle se débat. Proie d’un destin auquel elle refuse de croire, victime d’une volonté à laquelle elle refuse de céder. Avalon fière, orgueil taché d'hésitation. Sans doute profondément gentille, peut-être partiellement brave, assurément entièrement fissurée. Le bocal se fracasse. Avalon se fiche du monde, Avalon se moque des conséquences de ses actes. Elle veut vivre, pas survivre. Elle veut voler plus que marcher. Elle aimerait être exceptionnelle, elle aimerait tout accomplir, pour ceux qui ne respirent plus. Elle rêve pour deux, esprit bouillonnant de couleurs pourtant si terne. Elle cherche, elle espère, pouvoir un jour oublier et sourire du fond de son coeur. Avalon enfermée, Avalon impertinente. Avalon qui tente car elle n’a rien à perdre. Elle qui pleure, elle qui vit, si complète, complexe. Paradoxe. Le bocal se vide. "stitches on your bare heart" HISTOIRE // Tu l’entends? Bien sûr que tu l’entends. Le murmure. Le murmure assourdissant et permanent. Il a envahit la ville et les esprits. Il arpente les rues en hurlant. Le murmure assourdissant et permanent, Comme un bruit parasite à l’intérieur qui t’épuise, Qui souffle à l’oreille de chacun «T’es mauvais, t’es bon à rien, tu seras jamais assez bien» Qui te répète «T’es comme ça, ou tu devrais, ça changerait rien si tu changeais»
Icare, t’es tombé. Du piédestal où t’es né, t’as chuté pour t’enfoncer dans la boue des perdants. La terre des dépravés. La poussière des hontes maternelles. Non pas que ta mère ait honte de toi. Mais si elle pouvait. Elle t’enleverait du monde. Ca vaut mieux pour toi. Pour elle. Pour eux. Pour tout ceux qui t’ont connu, à qui t’as livré ton poison, qu’t’as contaminé avec ta merde, qu’t’as tâché de dégoût. Il aurait mieux valu, franchement, que t’existe pas. Tu l’aurais pas rencontrée. Ta folie. Ta joie. Ton amour. Ta nicotine. Et des fois tu t’demandes si tu l’as jamais aimé, ta princesse, ou si la culpabilité, celle qu’tu ressens plus, était déjà si forte, trop forte, assez pour la prendre en pitié et l’aimer. Avant elle, t’étais pas comme ça. Avant elle, c’était beau. Avant elle, c’était bien. Quand tout te paraissait si clair, à porté de main; tout paraissait sous contrôle. Ta famille, ta vie, le peu d’amis qu’t’avais. Une famille de sorciers au sang propre, une des rares de Monaco; une de celles qui cultivent les secrets et règnent avec un sourire apaisant. Perrault. Si beau. Si beau. Si niais. En entrant à Beauxbatons, tu l’a rencontrée. Ophélie. La belle Ophélie. La désirée Ophélie. La dérangée Ophélie. Tout le monde l’aimait et elle t’aimait toi; t’étais naïf, t’étais heureux, impulsif. T’as dis oui. Tu ne l’a sans doute jamais aimée, Ophélie; mais tout le monde l’adulait et t’étais si effrayé d’être jugé. Tu l’as porté dans tes bras, tu l’as embrassé, caressé ses doux cheveux et sa peau d’enfant. Ophélie qui riait. Ophélie qui pleurait. Ophélie qui hurlait. Ophélie qui menaçait de sauter par la fenêtre. Si tu ne restais pas. Dix minutes de plus avec elle. Ophélie était un poison. Ton poison. Elle, si faible, assez fragile pour se briser au moindre geste brusque. Ophélie a réussit à briser ta vie. Avec ses caprices et ses hurlements, avec ses excuses et ses lacerations. On lui pardonnait, à Ophélie. Pas parce qu’elle était belle -c’était un fait. Parce que ça devait être si difficile. De vivre en étant borderline. On t’as jamais demandé ce que t’endurais. On t’as seulement reproché de ne pas t’occuper d’elle. T’as sombré. T’as coulé. Dans la clope et la délinquance; tout pour t’éloigner d’elle, tout pour l’oublier, petit à petit. Lui montrer que t’étais pas si parfait qu’elle le pensait, lui montrer qu’elle méritait mieux. Lui demander de te laisser. Respirer. Assez pour. Exister.
Le jour où tu lui as annoncé la rupture -à tes dépends, ta honte et ta frayeur, t’avais découvert ta sexualité, pourquoi tu ne l’avais jamais aimée- Ophélie n’a rien dit. Ophélie a sauté. Juste. Sauté. Du toit.
Ce jour-là, seule sa mémoire est morte. Tant de chose auraient pu claquer avec elle; mais non. En se réveillant, Ophélie t’appellais. Ophélie ne te connaissais plus. Elle savait juste que t’étais important, si important, trop important. T’as pris peur. T’es jamais retourné la voir. T’avais peur de sombrer, encore, toujours, avec ses mots blessant et son visage d’ange, avec son patchwork d’innocence et d’horreur. Mais la culpabilité. La culpabilité te rongeait. Et la honte. Tâchait ton nom. Tes parents ont dépensé des centaines d’euros dans des thérapeutes et des psychologues: Tout pour oublier. Ca a marché. Trop. T’es devenu ce que tu es; conscient de tes actes, conscient d’être pourri, et incapable d’agir autrement. t’as besoin. T’as besoin d’te sentir vivant. Et t’étais tellement absent pendant tout ce temps que tu t’accroche à la seule façon dont tu te souviens avoir jamais existé. En pourrissant le monde. Comme Ophélie. Ophélie, que t’as fuis dès ton diplôme en poche, quittant Beauxbatons pour un échange avec Poudlard; Mais Ophélie. Persistante Ophélie. Divine Ophélie. T’as suivis. Après t’avoir entrainé tout en bas, tout en bas, tout en bas. Ophélie viendra aux Enfers. Avec toi. Tout en bas. Et tu la tiendras.
Icare, t’es tombé. Le jour où t’as pensé aimé.
Le murmure assourdissant et permanent Qui espère te mettre à terre en te criant « Essaie pas de refaire l’histoire, T’y arriveras jamais c’est trop tard, C’est baisé, c’est imprimé dans les mémoires» Le murmure assourdissant et permanent Qui te fait croire qu’y a pas de rédemption, Pas de pardon. Pas de rachat. Pas de rémission. Et tu l’acceptes. Tu le laisses rentrer.
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