Il l'entrapercevait, de loin. Alors qu'il réajustait sa sacoche à bandoulière contre sa hanche et qu'il plissait nerveusement pour la énième fois sa chemise, il marchait en direction de cette grande demeure qui se faisait de plus en plus proche, au fur et à mesure de ses pas. Comment aurait-il pu y croire !
Lynx Fawley. C'était le nom de ce jeune garçon, aux cheveux blonds et aux yeux bleus, qu'il avait croisé à maintes reprises dans les rues d'Ierótheón, et à qui il donnait quelques conseils musicaux. Il l'aimait bien, ce petit ; peut-être un peu trop naïf, mais connaissant son âge, il n'y avait rien de méchant à cela. Savoir qu'il avait sympathisé avec quelqu'un d'une famille assez riche de la ville, alors qu'il ignorait cette information au début . . . Cela faisait un certain choc. Oh, ce n'était pas pour lui déplaire ! Reginald était simplement embêté d'avouer qu'il en était quelque peu fier car il trouvait cela égoïste de sa part, comme s'il abusait de la notoriété de quelqu'un pour agrandir son propre ego ; d'un enfant, de plus !
Mais pourquoi se retrouvait-il donc dans le quartier nord à penser à tout ça, vous demanderiez-vous ? Tout simplement parce que les parents du jeune Lynx l'avait contacté. La surprise ! Le trac ! L'embarras l'avaient submergé sur le moment ! Leur demande avait été claire : Garder leur fils pendant leurs absences. Au début, le brun en avait été statufié sur place, ne sachant quoi dire. Lui ? C'était donc lui, la personne choisie pour se charger de cette tâche ? Ils auraient très bien pu aller voir de vrais baby-sitters, des gens qui s'y connaissaient réellement, mais non ; ce n'était pas ce qu'ils avaient fait. Enfin, il était certes professeur, et donc en contact avec de jeunes élèves, mais étaient bien plus âgés que Lynx.
Pourquoi alors donc lui ? Seul le destin le savait, et gardait précieusement ce morceau du fil avec lui.
Le satyre arriva alors devant l'imposante porte. Il se sentait tout petit, à côté. Il passa vivement une main dans ses cheveux sombres pour les recoiffer un minimum et de vérifier qu'il n'y avait pas trop de terre s'étant faufilé dans ses sabots. Oui, il stressait, et peut-être pour un rien : Il ne voulait aucunement faire une mauvaise impression aujourd'hui !
— Ce n'est que garder un enfant, Reginald ! Il n'y a pas de quoi paniquer ! Tu le connais, ce garçon, en plus ! Se disait-il pour reprendre une certaine contenance.
Prenons alors son courage à deux mains, Reginald toqua trois fois, assez fort mais pas trop non plus. Une goutte de sueur le narguait sur son front. Il avait l'impression de passer un concours important ! Mais c'était un peu le cas, selon son point de vue. Attendant que l'on ne vienne l'ouvrir, il regarda à sa droite et à sa gauche, avant de revenir vers cette porte qui pourrait s'ouvrir d'un instant à l'autre. Sur qui, d'ailleurs ? Les parents ? Lynx ? Un majordome ou une femme de ménage, peut-être ?
Lynx avait eut des ennuis avec ses parents quand ils avaient découvert son escapade nocturne et après de nombreux cris et pleurs ses parents décidèrent de faire venir un baby-sitter pour le jeune garçon lorsqu’ils n’étaient pas là tard le soir. Lynx n’avait pas très envie, ce n’était pas un individu qu’il ne connaissait pas dont il avait besoin, c’était de ses parents dont il avait besoin ! Malheureusement il ne pouvait changer cela et avait accepté avec réticence, c’était toujours mieux que d’être seul. Ses parents avaient contacté un satyre, professeur de musique, et Lynx était curieux de ce choix. Pourquoi un satyre ? Pourquoi pas un humain ? En tout cas si il était professeur de musique il devrait pouvoir l’occuper et le courant pourrait peut-être passer entre eux. Le jeune garçon était tout de même anxieux, il ne savait pas quel genre de personne l’attendait et il se sentait vulnérable dans sa sphère de confort personnel qui était d’habitude réservé à lui et ses parents. Et si ça se passait mal ? Et si le satyre était méchant ? Et si il critiquait ses talents musicaux ? Et si… A force de s’inquiéter Lynx avait une belle boule au ventre et quand ses parents allèrent ouvrir à la porte le petit garçon n’osa pas aller voir qui se trouvait à l’entrée. Il avait une grosse peluche d’ours dans les bras et se cachait le visage derrière.
Ses parents saluèrent l’individu, le firent entrer, et lui expliquèrent qu’il devait veiller à ce que Lynx mange bien tout ce que sa mère lui avait préparer, de vérifier à ce qu’il prenne son bain et qu’il aille se coucher avant une certaine heure ect. Lynx espérait qu’il n’allait pas être trop dur. Et si il le forçait à étudier alors qu’il n’en avait pas envie ? Il faisait ses devoirs ! Il avait juste fait le mur un soir, il n’y avait pas de raisons de le punir sévèrement tout de même ! Toujours caché derrière son ours en peluche, le descendant d’Apollon avança timidement quand son père l’appela. Ça y est. C’était le moment fatidique où il allait devoir interagir avec le satyre. Il pria Apollon pour que tout se passe bien et se promit de donner la meilleur partie de son repas en offrande au dieu. Il dût enlever son ours de son visage et fit la moue parce qu’il voulait rester caché même si cela n’était pas très poli. Cependant quand il vit le visage du satyre l’état de Lynx changea d’un coup.
« Regiiiii !!!!! »
Un magnifique sourire fleurit sur le visage du blond et il laissa tomber son ours en peluche par terre pour se jeter dans les bras du satyre. Tous ses soucis et inquiétudes étaient envolés, si Reginald devait être son baby-sitter alors tout irait bien ! Il offrirait même son dessert à Apollon pour le remercier de ce miracle, ah et il devrait aussi composer un nouveau morceau en son honneur !
« Je ne savais pas que c’était toi qui devait venir ! Je suis tellement content ! Est-ce que tu vas m’apprendre d’autres choses ? »
Lynx regardait Reginald avec des yeux brillant d’excitation.
La porte s'ouvrit sur les parents du jeune Lynx, faisant légèrement sursauter cet baby-sitter improvisé. Il salua les deux individus avec toute la courtoisie dont il disposait, tentant de cacher son angoisse alors qu'ils le faisaient entrer. Reginald regarda un peu partout autour de lui, émerveillé par la richesse de l'endroit. Oui, ils avaient de l'argent, très clairement ! Il écouta attentivement le père et la mère lui expliquer ce qu'il avait à savoir ; les bases, en somme. Veiller à ce qu'il mange bien, prenne son bain et aille se coucher. À priori, cela ne semblait pas trop difficile ! Il restait juste à voir si le jeune garçon était différent à la maison de quand il était dehors.
Pendant que les deux parents lui parlaient, ils avaient avancés vers le salon. Toujours plus de richesse ! Autant de fortune lui ferait presque mal aux yeux. L'homme appela son fils, et le professeur regarda le petit garçon s'approcher, le visage caché par un ours en peluche. C'était quelque peu adorable, comme vision ; il espérait juste qu'il ne se mange pas un meuble sur le chemin, avec sa vue obstruée ainsi. Quand il retira l'objet de devant son faciès, un grand sourire se forma sur celui-ci alors que le blondinet se jetait sur lui, sans même crier garde.
Surexcité, celui-là ! Il ne tiqua même pas au surnom tellement il était occupé à ne pas tomber en arrière sous cet assaut.
— Je suis tout aussi content de te voir ! Il lui rendit son sourire, alors que les yeux bleus du descendant brillaient de mille feux. Il se pourrait bien que je t'enseigne d'autres choses, si tu es sage !
Il lui fit un clin d’œil ; il l'appréciait, ce petit. Un peu naïf, mais très gentil et sincère. Le brun était juste quelque peu mal à l'aise en sachant que les parents étaient juste là, à probablement les regarder. Ah ! Cela l’embarrassait, tout d'un coup ! Comme, par exemple . . . Qu'ils comprennent de travers ce qu'il venait de dire ! C'était un satyre, alors des quiproquos, cela pouvait vite arriver !
— Que souhaites-tu faire en premier ? Reginald demanda alors, comme pour vite changer de sujet.
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