« T’as pas vu qu’il allait te chiper le palet ?! T’as de la merde dans les yeux ou quoi ?! »
« Bordel mais tu sais pas jouer, pauvre con ! »
Chaque membre de l’équipe avait droit à sa petite insulte et sa remarque désobligeante. Voire plusieurs, beaucoup même, et ce durant tout le long du match, du début à la fin. Cela pouvait paraître extrêmement médisant de la part de la personne qui prononçait de telles paroles mais les membres de l’équipe du Soleil avaient tous l’habitude de cela, à un point où ils n’y portaient plus aucune attention. Cela ne les vexait plus et ils ne se sentaient plus blessés par ces paroles, ils savaient que ce n’était que Lynx qui s’époumonait à leur crier ordres, insultes et remarques. C’était même plutôt une marque d’amour de sa part quand il était dans cet état car ce qu’il pouvait dire à ses adversaires était beaucoup moins gentil que cela. « Je vais te faire ravaler ta crosse, ducon. », « Prend ça dans la gueule, connard. » ou autres joyeusetés du genre. Lynx jurait mais savait les mener à la victoire, il savait comment les faire réagir et jouer en tant qu’équipe pour qu’ils gagnent, alors quelques insultes par ci par là n’étaient guère importante. Si l’on faisait abstraction des insultes la seule chose qui pouvait réellement déranger était que Lynx ne pouvait s’empêcher de se vanter et de frimer. « Tu vois le palet ? » « Eh bien maintenant tu le vois plus. » Pouvait-il dire lorsqu’il tirait dans le but adverse en étant plus loin que la moitié du terrain et en ayant un adversaire voulant s’emparer du palet.
Lynx prenait des risques, frimait, ne manquait pas une occasion de se la raconter et de faire le malin. Il humiliait ses adversaires et son comportement n’était pas toujours le plus adapté pour assurer leur victoire, toutefois ils s’en étaient toujours majoritairement bien sortit pour le moment. Lynx n’était pas le capitaine de l’équipe mais c’était tout comme lorsqu’ils jouaient, il n’écoutait pas le capitaine et faisait ce dont il avait envie. Aussi bizarre que cela était leur équipe marchait très bien telle quelle alors personne ne se plaignait. Une fois de plus ils remportèrent leur match et la frénésie de Lynx ne redescendit pas, elle resta pendant qu’ils célébrèrent leur victoire et se conserva jusqu’à sa sortie du stade. Seule une interaction avec le monde extérieur en dehors de la compétition le faisait revenir dans son état normal. Et cette fois-ci l’interaction dont il avait besoin fut la rencontre avec quelqu’un qu’il appréciait beaucoup.
« Chrrrriiiiiiiis !!!!!! »
Lynx se jeta sur le jeune homme plus âgé que lui et le serra dans ses bras, frottant son visage contre le torse de Chris à défaut d’être à la hauteur pour frotter sa joue contre celle de son ami.
« Qu’est-ce que tu fais là ? Tu étais venu me voir jouer ? Tu aurais pu me le dire ! T’as vu j’ai gagné le match ! »
Le joueur de hockey avait un immense sourire sur le visage, il était tout excité et toute trace de malice et de méchanceté avait disparu de son visage. Le petit démon était partit pour laisser place au petit ange.
11h du mat’, tu dormais comme une masse - lendemain de soirée oblige, soirée du genre dont on s’souvient qu’à moitié, tu saurais même pas dire comment ni à quelle heure t’es rentré. A vrai dire t’y étais allé en comptant sur ta journée de repos pour t’en remettre. Alors oui quand le message-Iris est arrivé t’étais encore en train de décuver dans les bras de Morphée. Il a le chic pour prendre soin des épaves dans ton genre celui-là.
Bref un sursaut et beaucoup de confusion plus tard - le temps de réaliser que t’étais dans ton salon, que t’avais squatté le canapé, que tu portais encore tes vêtements de la veille - tu répondis finalement à cet appel sauvage. C’était Lucke, un ancien collègue à toi qui faisait des petits boulots le week-end pour payer ses études. De toute évidence il avait des ennuis et avait besoin que tu le dépannes - t’étais beaucoup trop à côté de tes pompes pour comprendre le pourquoi du comment, la seule chose que tu pigeas c’est qu’il avait besoin de quelqu’un pour le remplacer au taff cet après-midi. Tu demandas donc naturellement : “Contre la paie prévue plus un resto ?” Il avait pas trop le choix.
Lucke raccrocha après t’avoir fourni l’heure et le lieu, et toi tu soupiras dans l’oreiller en fermant les yeux. Sans l’appât du gain t’aurais sans doute dit non - t’avais testé quel genre de mélange pour avoir l’estomac dans cet état ? Mais il t’avait promis son salaire du jour. Et un resto. Ça suffirait à te motiver, une fois que t’aurais grappillé une petite heure de sommeil en plus.
☆ ☆ ☆ ☆ ☆
Plus tard dans la journée, te voilà qui navigue entre les gradins pour distribuer boissons et nourriture ainsi que des accessoires aux spectateurs d’un match de hockey junior. T’essaies de suivre l’action et te permets même de hurler quelques commentaires entre deux commandes. Non pas que tu soies fan, mais il se trouve que t’avais reconnu le nom d’une des équipes. Lynx te parlait assez souvent de sa passion pour que tu retiennes cette info.
En parlant du jeune descendant, de loin t’entends pas tout ce qu’il balançait aux autres joueurs, mais ce que tu captais et ses mouvements te suffisaient à douter que ce soit la bonne personne. Lui qui d’habitude est l’innocence et la gentillesse incarnées, provoquant tout ce qui bouge ? Difficile à croire.
Quand le coup de sifflet final retentit, tu te laissas aller à lever un bras bien haut en hurlant. Puis tu te remis au travail, quand même, répondant aux dernières demandes avant qu’on te fasse signe que tu étais libre. Tu pris alors ton temps, histoire d’éviter le gros mouvement de foule en sortant du stade. Et qui sait, peut-être que tu sortirais en même temps que les vainqueurs.
Et donc tu traînais un peu dehors quand la tête blonde t'interpella. T’eus à peine le temps de te retourner qu’il s’était déjà jeté sur toi pour se frotter à ton torse comme un chat. Cette attitude - beaucoup plus familière que celle qu’il avait durant le match - te tira un sourire et par réflexe, tu lui ébouriffas les cheveux.
“A vrai dire j’étais là un peu par hasard, mais j’t’ai encouragé pour deux t’inquiète. T’as assuré champion.” Tu t’éloignes un peu et rajoutes en mimant un coup de crosse : “ce tir depuis l’autre moitié du terrain, c’était quelque chose !”
Ensuite, tu mets les mains dans les poches de ta veste. “Et si on allait manger une crêpe pour fêter ça ? J’t’invite.” T’étais loin d’être généreux, pourtant. Mais avec Lynx c’était différent. Et puis, tu pouvais bien te le permettre avec les gains de cette journée de travail imprévue. En plus de la paie t’avais gratté quelques pourboirs.
Lynx rigola gaiement quand Chris lui ébouriffa les cheveux, ils allaient être tout décoiffé mais à son âge il ne s’inquiétait guère de sa coupe de cheveux, du moment qu’il ne se salissait pas peu importait que ses vêtements ou ses cheveux se retrouvent un peu malmenés. Et puis c’était Chris, son grand frère de cœur, il avait bien le droit de lui ébouriffer les cheveux ! Cela fit énormément plaisir à Lynx d’entendre que le fils d’Apollon l’avait encourager et que le petit garçon avait réussi à l’impressionner. Ravie d’avoir été complimenté, Lynx accorda encore plus d’intérêt à sa victoire et à comment il avait joué, il était vraiment le meilleur !
« Héhé merci ! » Répondit Lynx en rigolant puis en faisant un immense sourire.
A la mention de crêpe le violoniste avait envie de sauter à nouveau sur Chris, ce qu’il fit d’ailleurs, et c’était partit pour un autre long câlin.
« Owi une crêpe ! Merci beaucoup Chris, t’es le meilleur ! »
Quand Lynx lâcha enfin le jeune homme il décida d’ouvrir la marche en gambadant joyeusement à l’idée d’aller manger une crêpe, il serait capable d’en manger une dizaine après tous les efforts qu’il venait de fournir mais il était assez poli pour ne pas quémander autant à Chris. Avec ses parents il ne se gênait pas, il avait toujours ce qu’il voulait de leur part, mais avec quelqu’un d’autre il fallait mieux éviter. Il ne faudrait pas que Lynx profite trop de leur gentillesse, tous le monde n’avait pas autant d’argent que lui et même si il ne comprenait pas encore très bien la valeur de l’argent, il avait compris qu’il pouvait mettre des personnes dans des positions délicates si il leur en demander trop. Et puis de toute façon il pouvait toujours acheter autant de crêpe qu’il voulait, ainsi que des glaces, ah et pourquoi pas des pâtisseries aussi ! Avec du soda ! Le ventre du petit joueur de hockey se mit à gargouiller fortement en songeant à ces petits plaisirs et il accéléra l’allure même si il n’avait pas la moindre idée d’où Chris voulait l’amener.
« Plus vite Chris, j’ai faim ! »
Et oui il débordait encore d’énergie même après un match de hockey, les jeunes étaient dotés d’une source d’énergie inépuisable.
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