La salle de classe était vide, tranquille, silencieuse, avec juste des cordes en train de se faire ré-accorder en fond sonore. Le professeur appréciait ses moments de calme, après les cours, quand ses élèves n’étaient pas là. Pas qu'ils étaient ennuyant ou agaçant, hein ! La plupart était adorable ! Mais les cancres, les petites racailles, – oserait-il dire, les imbéciles ? – qui ne faisaient que ricaner bêtement en pointant leur enseignant du doigt, cela avait le don de ramollir sa bonne humeur. Encore heureux qu'il avait les pauses et le midi pour souffler ! S'il le pouvait, et surtout, s'il avait le droit, il leur donnerait bien une tape derrière la tête pour les remettre à leur place. Mais la violence envers des enfants, c'était interdit, et il le comprenait très bien ! Il ne voulait faire de mal à personne, il n'était pas du genre violent ou gratuitement cruel, oh que non, mais quand on commençait à être à bout . . . On pouvait envisager des solutions quelque peu extrêmes.

Oui, un satyre comme professeur, ce n'était pas la chose la plus courante, c'était vrai ; alors bien évidemment, il devait s'attendre aux réflexions, certaines pouvant être très douteuses, d'ailleurs. Heureusement, ce genre d'élèves était une minorité, et tant mieux ; mais n'allez pas croire qu'ils ne faisaient que se moquer des pattes ou des oreilles du brun, ils mettaient également la classe sans dessus dessous quand ils le voulaient. Cela commençait de la simple remarque de quelqu'un, quelque chose de pas méchant en soit, mais un de ces satanés gredins en remettait une couche, et puis voilà comment cela finissait ! La créature était obligé de bien hausser le ton pour que tout le monde cesse de s'agiter et que le cours reprenne normalement.

D'ailleurs, la pièce, parlons-en : Elle était plutôt grande. Le long de tout un mur, il y avait des fenêtres donnant sur l’extérieur, alors qu'à son opposé, plusieurs posters de chaque famille d’instruments était collés. Au fond de la classe, des enceintes et une porte, qui donnait sur une autre salle, plus petite, qui servait à entreposer le matériel : Des flûtes, des saxophones, des violons, et même une batterie ! Bon, il fallait la démonter à chaque fois pour l'a faire sortir, mais il était content d'en avoir une au lycée ! Et bien évidemment, vers là où les chaises étaient tournées, il y avait son bureau en bois clair, jonché de papiers à partition et de cahiers, tandis que derrière, s'imposait un large tableau noir, sur lequel Reginald avait tracé des traits horizontales en blanc. Un peu plus sur le côté, dans un coin, un piano à queue noir, de taille raisonnable. Juste à droite de tout cela, dans le sens face au fond de la pièce, la porte d'entrée, qui était présentement fermée, mais pas à clef.

Reginald était assis sur le tabouret de son piano, une guitare dans les mains alors qu'il rajustait les cordes. Parce qu'aujourd'hui, il en aurait bien besoin ! Il allait recevoir un étudiant pour un cours particulier ; de guitare sèche, notamment. Il n'en avait jamais fait, avant cela ; mais tout a une première fois ! Et il le connaissait, ce garçon, de part sa réputation : Un chieur, apparemment, doublé d'un coureur de jupon. Oui, clairement, ce n'était pas la meilleure notoriété à avoir. Mais il s'était tout de même un peu plus renseigné sur le personnage, découvrant que c'était un demi-dieu issu d'Apollon. Dieu de l'art ! De la musique ! De la poésie ! Lui, un simple satyre devenu professeur, venant donner un cours particulier à un fils d'Apollon ! Cela sonnait comme une farce, une mauvaise blague que si quelques temps plus tôt, on le lui aurait dit ça, le semi-bouc aurait rit. Jamais, ô grand jamais, il ne se serait douter qu'un jour, il recevrait de son plein gré l'enfant d'un tel dieu.

L'homme à cornes était comme fier de cela, malgré ce que l'on disait sur le jeune qu'il recevrait dans sa salle. Enfin, le jeune, ils n'avaient que physiquement un an de différence, le brun étant le plus âgé des deux. Il testa les cordes nouvellement mises correctement avec un médiator ; la guitare sonnait à merveille ! Réjouit, il continua un peu de contrôler l’instrument en jouant un petit morceau ; et puis, cela l'occupait le temps que cet étudiant, Isaiah Mendez, n'arrive !

Néanmoins, il ne lui était même pas venu à l’esprit que le simple contexte du cours particulier avec un homme d'un âge semblable au sien, doté d'une personnalité de don Juan, pouvait être une mauvaise idée.

Alors qu'il continuait son morceau à la guitare sèche, un bruit sourd le fit cesser sa mélodie. Se demandant bien ce qui se passait, il tourna la tête vers la porte d'entrée, le son ayant semblé provenir du couloir. Quelqu'un ayant fait une chute ? Il venait de se lever, posant son instrument au pied du piano et se dirigeait vers la porte. Tandis qu'il ne venait de faire que quelques pas, la porte s'ouvrit avant qu'un corps ne s'effondre à ses pieds. Sur le coup, le satyre ne comprit rien, un sourcil relevé, signe de questionnement, quand il reconnu l'homme : C'était donc lui, ce fameux Isaiah ? Et bien ! Quelle excellente première impression – il n'aurait jamais dû penser ironiquement cette phrase – ! Il allait lui tendre le bras pour l'aider à se relever qu'il le fit lui-même, alors il arrêta rapidement le début de son geste.


— En effet, ton entrée est assez insolite, je dois bien l'avouer ; excuse acceptée. Sourit-il.


Une fois qu'Isaiah fut debout, le professeur allait commencer à parler que le roux le coupa, ne soulignant même pas le signe militaire qu'il venait de faire.


— Oui, qu'il y a-t-il ? Il demanda, alors que l'autre n'en était qu'au début de sa phrase.


Et il ne fut pas près. Psychologiquement parlant. Il en resta figé sur place. Avait-il seulement bien entendu ? Mais bien sûr, qu'il avait bien entendu ! Le pire, c'est que le demi-dieu semblait sérieux, en plus ! Il n’espérait tout de même pas que le brun allait lui répondre d'une voix fluette à sa réponse et exécuter gaiement sa demande sans se poser la moindre question ? Ou bien était-il si idiot pour réellement y croire ? Reginald vu rouge, dans tous les sens du terme : Il était à la fois embarrassé à l'extrême par les dires d'Isaiah, mais aussi en colère pour l'impertinence dont il faisait preuve pour leur première rencontre. Il retrouva enfin l'usage de la parole, après un long moment statufié, les yeux ronds comme des ballons.


— . . . Excusez-moi ? Le satyre en était encore chamboulé ; il mit quelques instants à dire la suite. Je trouve ça fort culotté de votre part de me demander ça ! Il s'écria, haussant la voix.


Reginald n'était pas du genre à vouvoyer ses élèves, préférant les tutoyer pour qu'ils soient plus à l'aise avec lui. Quand il commençait à utiliser "vous", c'était quand il était agacé, comme quand il voulait remettre de l'ordre dans sa classe parce qu'un conflit venait d'éclater et que cela bloquait complètement le cours. C'était exactement ce qu'il éprouvait présentement : De l'exaspération. Il se mit dos à son élève provisoire, en profitant pour souffler un bon coup, pour reprendre la guitare qu'il avait posée plus tôt et de la tendre au roux, le regard ne présageant rien de bon.


— Oublions ça je vous prie, et commençons.


Et dire qu'il avait pensé que cela allait être une bonne journée ! Vraiment, cela allait être long et pesant, cette séance, si elle commençait d'une telle manière. Le semi-bouc en avait même honte de regarder le fils d'Apollon à présent ! Pourquoi avait-il fallut que cela débute ainsi, sérieusement ?

Encore sur le choc, décidément, il eut peur pour la suite, dans tous les sens du terme. Si seulement il avait put prévoir ça ! Il avait été pleinement conscient de la réputation de coureur de jupon du garçon, certes, mais de là à ce que cela finisse comme ça . . . Jamais ! Et ce sourire qui se formait sur le visage d'Isaiah . . . Non, Reginald n'aimait pas ça du tout. Il en déglutit presque, discrètement.


— Une question de science ! Je ne suis aucunement dans ce domaine, et de toute façon, jamais je n'aurais répondu à quelque chose d'aussi personnelle ! Alors maintenant, si vous le voulez bien, nous allons commencer !


Il fronça un peu plus les sourcils, rapprochant l’instrument du demi-dieu pour qu'il l'a prenne enfin et que le cours débute. Vite, que l'enseignant puisse oublier tout ça rapidement et que le roux s'en aille ! Loin, très loin ! Puis le jeune homme commença à chanter, pour le plus grand malheur du satyre ; qui, au début, avait été quelque peu surpris de ce soudain geste. À contrecœur, Reginald devait reconnaître qu'il avait du talent ; les gênes d'Apollon, ça aidait ! Les paroles firent grincer les dents du brun, l'autre étant tellement borné qu'il ne voulait pas lâcher sa question. Mais il n'avait pas à lui répondre ! Il n'avait qu'à demander cela à ses amis, il était sûr qu'ils devaient en savoir, des choses du genre ! Pourquoi donc lui ? Enfin, il était un satyre, et donc logique de lui demander directement . . . Néanmoins, dans ce cas-ci, il manquait clairement le tact. Et le contexte n'y prêtait absolument pas !

Le ton sarcastique non plus, le brun n'apprécia pas, d'ailleurs.


— Petit impertinent ! Lâcha-t-il, rougissant involontairement au compliment sur ses cornes.


Reginald grommela. C'était douloureux, vraiment, de s'avouer que le fils d'Apollon était malin ; un chantage ! S'il ne lui répondait pas, il ne ferait jamais son cours ! Mais il ne voulait pas lui apporter des explications. Premièrement, ce n'était pas son travail, et de deux, c'était vraiment embarrassant pour lui. Avait-il seulement pensé au moins à cela ? Sûrement pas, voyons.

Bloqué. C'était le terme. Lançant un regard au large piano derrière lui, abaissant le bras tenant la guitare, il souffla de désespoir. Avait-il le choix ? Pas vraiment, non. Découragé au possible, sans même regarder son élève, il marmonna, comme s'il voulait seulement parler à lui-même et qu'Isaiah n'entende rien de ce qu'il allait dire.


— On ne se trimbale pas les jambes à l'air, déjà ! Et oui, on en a un . . . Encore heureux . . . Comme les humains ! Court, mais efficace.


Il était rouge. Rouge de gêne. Reginald n'arrivait encore pas à croire qu'il venait de raconter une chose pareille à un élève. Enfin, il avait été très vague sur le sujet, ne voulant guère s'attarder là-dessus, mais c'était suffisant pour comprendre de quoi il parlait. Le semi-bouc soupira, pensant enfin s'être débarrassé des questionnements plus que gênantes du roux. Et qu'Isaiah ne lui demande pas une vérification visuelle, sinon il allait passer du rouge pivoine au blanc linge !

Quoi, il se prenait le menton pour se la jouer savant maintenant ? Le satyre n'était plus à ça près ! Enfin. Ses yeux s’agrandirent en quelques secondes, grosses comme des balles de tennis. Oui, impertinent ! Ce garçon l'était totalement ! Il se retourna vers lui, un air irrité sur le visage. Venait-il de boucler le bec de son aîné ? Oui, pour son plus grand malheur. Pire ! Ce sourire vainqueur sur son visage ! Reginald ne présageait rien de bon pour lui ; il sentait qu'il allait regretter toutes ces informations qu'il venait de lui donner.

Il soupira de soulagement, encore une fois, quand Isaiah parla de débuter le cours de musique. Ce n'était pas trop tôt ! Enfin . . . Une nouvelle vague écarlate passa sur le visage du satyre quand le roux évoqua une démonstration visuelle. Faisait-il référence à . . . ? . . . Par Zeus. Reginald usa de toutes ses forces mentales pour ne qu'aucunes images ne viennent hanter son esprit. Bravo, le veau !

Tandis que le semi-bouc allait commencer à parler, le fils d'Apollon précisa une nouvelle chose qui fit tomber son enseignant des nues. Mais oui, bien sûr ! Évidemment ! Jamais deux sans trois, comme on dit ! Un simple contact, et il se retrouvait dans un état de débauche ! Pourquoi lui, décidément, il se demandait. C'était le combo, aujourd'hui ! Les astres s'étaient-ils alignés rien que pour lui ?

Comme par réflexe, il alla regarder les mains du jeune homme, et en effet, il portait des gants. Il déglutit. Un faux mouvement malencontreux, et cela pouvait vite dégénérer. Et c'est qu'il en rigolait, celui-là ! Néanmoins, ce qui était sûr, c'est que Reginald allait éviter le plus possible de devoir approcher ses mains de ceux du demi-dieu.


— Bon ! Le brun commença, pour enfin entamer le cours et se changer les idées. Prend une des chaises et pose-là près du tabouret du piano, s'il-te-plaît.


Tout en disant cela, il indiqua les tables et les chaises du premier rang. Notons qu'il venait de repasser au tutoiement. La créature alla ensuite chercher des feuilles à partitions posées sur le large instrument à clavier.

Encore. Ses joues qui s'enflammaient de plus en plus. Jamais Isaiah ne cesserait de le taquiner sur le sujet, n'est-ce pas ? Il s'en doutait.

Une fois la chaise placée près du piano, Reginald allait tendre la guitare au roux qu'il parla. Pour la énième fois ! Et, très clairement, il aurait préféré ne pas répondre à cette question que l'autre lui posait. Néanmoins, il savait ; il savait que son élève allait encore revenir à la charge pour avoir la réponse à ce nouveau questionnement, alors à quoi bon l'ignorer encore une fois ? Cela ne ferait qu'empirer les choses. Il regarda Isaiah.


— Je ne suis pas du style à . . . Donner ce genre de récompenses à mes élèves quand ils réussissent quelque chose. Je préfère leur mettre de bonnes notes . . . C'est déjà très bien !


Alors que le garçon divin avait en sa possession la guitare, le professeur s'assit sur le tabouret et tria les feuilles qu'il tenait dans ses mains, avant d'en reposer la plupart sur le piano, n'en gardant que peu ; peut-être quatre, environ. Il leva la tête vers l'autre quand il l’interpella ; il l'écouta attentivement – pour une fois qu'il disait quelque chose de sérieux, il n'allait pas s'en priver ! –.


— Je vois. Le brun posa ses doigts sur les touches de l'instrument à clavier, ayant posé les partitions sur ses genoux. Je comptais te faire lire les notes au début, mais cela ne va pas bousculer mon programme. Je vais te jouer le morceau, à la place. Oh, et je pourrais peut-être tenter de t'apprendre à lire les partitions ; du moins, les simples bases. Il se sentit obligé de préciser.


Et c'est alors que le satyre commença à jouer. L'air était doux, triste, lent. Les doigts de Reginald caressaient presque les touches, dansant sur celles-ci sur la mélodie pleine d'émotion. Ses yeux étaient clos, comme pour apprécier la complainte qu'il créait.

Nocturne, opus neuf, numéro deux, de Chopin.

Une fois le morceau terminé, il se tourna vers le fils d'Apollon, s'attendant presque à des remarques de sa part. Cela ne l'étonnerait pas.

Reginald aura rougit, encore, à la réflexion sur les notes. Presque tout ce que le roux disait tournait autour de ce sujet-là et mettait mal à l'aise le plus âgé ! L’ascendance y était peut-être pour quelque chose ? Par Zeus ! Et il n'était qu'un fils d'Apollon ! Qu'est-ce que cela aurait donné, s'il avait été l'enfant d’Aphrodite ? . . . En fin de compte, le semi-bouc ne voulait pas savoir.

Alors qu'il avait terminé son morceau, il écouta Isaiah. Il se méfia à sa première phrase : De quoi voulait-il le prévenir, encore ? Et ce qu'il dit le gêna plus qu'autre chose : Cet homme avait décidément un truc avec ses cornes. Ce n'était pas quelque chose d’extraordinaire, il trouvait, mais pour le semi-divin, si, apparemment. Et il fut encore rouge, évidemment. Jamais auparavant un élève ne l'avait autant embarrassé, et par des compliments, en plus ! Comment était-il supposé le prendre – sans aucun double sens évidemment – ? Il l'ignorait. Le satyre se passa une main dans les cheveux, en signe de malaise, quelques doigts effleurant lesdites cornes.

Le plus jeune empoigna la guitare et répéta le morceau que Reginald avait effectué au piano. Et bien, il se débrouillait plutôt pas mal ! Enfin, en connaissant l'identité de son père, c'était évident, me diriez-vous. C'était un talent obligé !

Le brun allait répondre à la question de son élève quand il évoqua les conseils, qu'il se fit interrompre par la suite. Il commençait à trouver qu'il parlait un peu trop. Et évidemment ! Comment faisait-il pour encore espérer une discussion normale saine d'un enseignant à son apprenti ? Parce que clairement, ce genre de conversation, on aurait plutôt dit quelqu'un s'adressant à, excusez-moi du terme, son plan cul.

Était-ce vraiment de cette manière qu'Isaiah considérait le musicien ? Par tous les dieux, il ne savait comment réagir face à une telle révélation. M'enfin, il préférait effacer cette pensée et songer à autre chose ; comme tenter de continuer son cours ! On y croit !


— Des conseils sur quoi ? Comment ne plus avoir cette impression que tes mains jouent toutes seules ? Il questionna, ignorant volontairement la partie concernant le bureau.


Il se tourna sur son tabouret, se mettant bien en face du roux, attendant sa réponse. Il mettrait sa main à couper qu'il allait encore évoquer des choses graveleuses ! Il n'était plus étonné, avec lui, maintenant, il s'y était habitué . . .

Était-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ?

Décidément. Isaiah avait un donc pour constamment faire rougir les gens et cela en un temps record. Cela allait devenir la nouvelle couleur de peau de Reginald ou bien ? Le roux avait bel et bien une réelle obsession pour ses cornes, et l'autre était gêné comme pas possible. Personne n'avait jamais fait une fixette ou des compliments sur ce simple détail que cela le perturbait quelque peu. D'un ton enjoué, le plus jeune demanda s'il pouvait un jour toucher les défenses du satyre, d'ailleurs. Pouvait-on être aussi écarlate que l'était l'enseignant ? Non, clairement pas.


— On verra, hein . . . !


Il n'avait pas le courage de dire non. Quoi ? De toute façon, connaissant son caractère, il savait le rejeton d'Apollon capable de le faire sans son consentement, alors autant être vague, voulez-vous ? Se grattant la nuque, il espérait que l'autre change vite de sujet, d'ailleurs. Maintenant ! Et c'est ce qu'il fit, d'une voix ironique. Et le brun fut . . . Quelque peu abasourdi ? Il soupira ; maintenant que le demi-dieu le disait, c'était évident, oui. Il réfléchit quelques instants sur quoi lui apprendre dans ce qu'il avait gentiment listé : Il semblait bien manier la guitare, mais peut-être qu'il y avait certaines subtilités qu'il ignorait encore. Reginald pourrait potentiellement passer par ça ! Mais, et la partie sur le balai, dans tout ça ? Ah . . .


— La façon de manier une guitare, ça te va ? Il soupira en regardant ailleurs. Et, pour ta gouverne, je n'ai pas besoin d'être . . . Décoincé.


Oui, il en avait, du culot, de lui dire ça ! Au moins, cela faisait une bonne anecdote. Enfin, "bonne" . . . Cela restait suggestif. Isaiah fixa ses mains quelques instants avant de parler, plus sérieusement. Le brun s'attendait à ce qu'il place encore quelque chose d'obscène, mais non. Il le regarda, haussant un sourcil, surpris dans le bon sens du terme à la question.


— Comme pouvoir ? Répéta-t-il. Je peux contrôler la faune et la flore en faisant de la flûte avec ma syrinx, parler aux animaux, et lier mon âme à celle de quelqu'un d'autre. Il marqua une pause. Tu n'es pas le seul à avoir peur de tes pouvoirs . . . Moi-même, je redoute ma capacité à lier mon âme.


Le semi-bouc ne remarqua même pas le plus jeune s'approcher un peu plus de lui alors qu'il lui répondait. Il ne s'en rendit compte qu'en sentant une chaleur chaste et inexpliquée sur ses lèvres ; il leva automatiquement ses yeux vers son élève. Et il réalisa. Ses mains se plaquèrent sur sa bouche alors que ses joues avaient atteint la teinte maximale de rouge. Reginald ne savait plus quoi penser, plus comment réfléchir en cet instant précis. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas ressenti cette sensation d'un baiser, mais qu'il ne se fasse embrasser dans de telles circonstances . . . Il ne s'en serait jamais douté.

Honteux, embarrassé à l'extrême, il plaqua ses yeux sur le parquet, n'osant même plus apercevoir Isaiah, les mains sur son visage fumant. Il venait de perdre sa langue, comme si le fils d'Apollon l'avait emportée avec lui. Il venait d'embrasser un élève. Enfin, non ! C'était l'inverse ! Ses songes se mélangeaient, commençant à faire n'importe quoi. Le problème ici, était plutôt qu'il s'était laissé faire.


— Je . . . !


La créature tentait de dire quelque chose, mais rien ,e sortait ; cela restait bloqué dans sa gorge, et il ne pouvait rien y faire.

Il se sera assez vexé à sa réponse. Sérieusement ! Cet Isaiah commençait réellement à lui taper sur les nerfs, et Zeus sait qu'il fallait être à un certain niveau pour y parvenir. En même temps, il avait tellement accumulé, depuis quelques minutes ! Mais bon, il devait s'y faire, malheureusement. Oh, s'il en avait la possibilité, il jetterait bien le roux à la porte de sa salle de cours en se jurant de ne plus jamais faire de cours particuliers, cependant, il craignait que cela assombrisse sa carrière et sa réputation par des rumeurs qui auraient été lancées. Et il n'avait absolument pas besoin de ça !

Prenant alors son mal en patience, il se nota qu'il pouvait, apparemment, contrôler les femmes . . . Reginald ne voulait clairement pas savoir ce qu'il faisait quand il utilisait ce pouvoir.


— Oui, lier mon âme à celle de quelqu'un d'autre. Il répondit, sans émotion aucune dans la voix. Mais si je meurs, la personne en question aussi.


Comme ça, c'était clair, net et précis. C'était d'ailleurs pour cette mortelle raison qu'il ne l'avait jamais fait ; il ne voulait pas qu'une autre âme, innocente de plus, ne périsse parce que lui seulement avait été tué. Pour tout dire, le professeur trouvait cela injuste.

Puis il se retrouva dans cette situation d'humiliation, et la question doublée du rire du demi-dieu n’arrangea en rien les choses. En fait, cela empira tout : Reginald craqua. Avec ses doigts collés les uns aux autres pour tenter de cacher son visage, des larmes transparentes se furent apercevoir. Il se sentait être rabaissé, depuis le début, presque.

Oui, c'était ça : Isaiah ne voyait en lui qu'on bout de viande qui attendait sagement de se faire dévorer par le grand méchant loup, mais qui tentait de résister. Et étant à moitié bouc, la comparaison marchait encore mieux. Malheureusement.

Il se leva précipitamment en tournant le dos au demi-dieu, tentant de camoufler ses reniflements. Il était faible, pathétique, sensible, émotif, et il le savait. Mais que pouvait-il y faire ? Il était un satyre, c'était dans sa nature d'être empathique à souhait.

D'être si inférieur.