HISTOIRE // Tout avait commencé lorsqu’Horacio avait débarqué sur le perron de Mercédès, sa sœur, et Mary, la petite amie de cette dernière, dans un état de désespoir avancé et un bébé dans une poussette. Après l’avoir fait entrer, les deux jeunes femmes purent apprendre pourquoi l’homme débarquait ainsi, dans un tel état, et surtout avec un bébé de toute évidence à peine né.

Sa petite-amie, qui l’avait larguée soudainement quelques mois auparavant, était revenue le voir pour lui laisser entre les mains le bébé qu’elle avait eut. De lui. Et Horacio était perdu, désespéré et blessé. Et plus encore, totalement incapable de s’occuper de sa fille nouvelle-née. C’était la raison pour laquelle il était venu voir sa sœur. Pour lui demander de s’en occuper à sa place, car lui ne le pouvait pas.

Dire que Mercédès et Mary étaient restées sans voix était faible. La demande était totalement inattendue, tout comme la situation. Dans un premier temps, elles tentèrent de convaincre Horacio de réfléchir d’avantage à sa situation, d’essayer de s’occuper de sa fille malgré tout. Qu’elles seraient là pour l’aider si jamais il avait besoi. Mais rien n’y fit. Le jeune homme semblait être déterminé à confier sa fille à quelqu’un d’autre. Et si ce n’était pas à Mercédès et Mary, alors ce serait probablement à ses parents, ou même à un orphelinat.

Le couple se décida donc par la suite à réfléchir sérieusement à la proposition d’Horacio. Adopter un enfant ? Ce n’était pas quelque chose dont elles avaient déjà parlées, ou même envisagé. Le mariage et l’adoption homoparentale n’étaient autorisés qu’en Colombie-Britannique et en Ontario pour l’instant, et seulement depuis quelques années. Pourtant, elles durent se pencher sur la question face à la proposition du frère de Mercédès. Et pour prendre une décision, elles ne disposaient que de peu de temps. C’était court. Surtout pour un engagement aussi important qu’avoir un enfant.

Mais la décision fut finalement prise et quelques temps plus tard, la garde officielle de la petite Bellatrix –une idée de Mary- passait d’Horacio à Mercédès. Le bébé était particulier. Sa température corporelle était bien trop élevée et ce en permanence. Au lieu des 37°C habituels chez tout être humain, elle était à 40°C. Horacio affirmait qu’il n’y avait aucune inquiétude à avoir, que c’était normal. C’était ce que lui avait dit la mère. Sa sœur était septique. Mais puisque cela durait depuis plusieurs semaines et que l’enfant allait parfaitement bien, elle décida d’y croire.

Deux ans plus tard, l’adoption homoparentale devenait légale au Québec. Mary put être reconnue comme figure parentale par la loi. Bellatrix avait officiellement deux mamans. Elle grandit dans l’ignorance totale de ses parents biologiques. Elle grandit en ignorant totalement que son oncle adoré était en fait son père.

Jusqu’à l’école. Car les enfants étaient ignorants et Bellatrix avait deux mamans.
Elle s’était plainte, un peu, des moqueries et des bousculades. Rien n’avait changé. Elle avait pleuré à plusieurs reprises. A la fin de la première année d’école, ses mères l’avaient changé d’établissement. Les choses avaient changés. Un peu. Ce n’était pas l’enfer. Ce n’était pas le paradis non plus. La déclaration de sa dyslexie n’aida rien.

Elle n’était vraiment bien que chez elle. A la maison, il n’y avait pas de questions à se poser. Ni remarques sur ses mamans, ni moqueries sur ses difficultés. Il n’y avait pas ses amies non plus, c’était vrai. Mais pas gênant. A la maison il y avait Mercédès et Mary, deux boules d’amour. Mercédès l’aidait à faire ses devoirs, à réviser, faisait de son mieux pour qu’elle améliore sa lecture. Même si elle ne s’améliorait pas. Mary l’entrainait avec elle dans ses activités. C’était elle qui avait donné le goût de la pâtisserie et du patinage à Bellatrix.

Son enfance avait été rythmé par les moments de bonheur à la maison, les sorties amusantes avec ses amies ou sa famille, les malaises persistants à l’école. Et l’apparition de sa phobie.

Depuis ce qui lui semblait être toujours, même si ce n’était pas le cas, Bellatrix avait du mal à marcher dans de l’herbe. De fait, elle n’y prêtait pas attention, estimant que cela devait être normal, mais il y avait une résistance. Comme s’il y avait une espèce de résistance. Et puis vers ses dix ans avait eut lieu l’évènement le plus étrange et le plus terrifiant de sa vie –à ce moment-là.

Un buisson l’avait poursuivit.
Non non, ce n’était pas une blague. Un buisson l’avait vraiment poursuivit. Bellatrix était en train de pleurer lorsqu’il était soudainement sortit de terre et s’était dirigé vers elle. Elle n’avait pas réfléchit. Elle avait prit peur et s’était enfuit. Le buisson l’avait suivit sur quelques mètres avant de s’arrêter pour une raison inconnue. Bellatrix n’avait pas cherché à le savoir.

Depuis, elle avait développé une peur profonde pour tous les végétaux vivants.

Son adolescence aurait put se dérouler dans de bonnes conditions. Certes, l’école était toujours en grande partie un déplaisir, mais elle avait apprit à faire avec. A ne plus réagir ou faire attention aux remarques qu’elle entendait encore parfois. Sauf que son corps prit des rondeurs, et ses formes se développèrent tôt. Plus tôt que la plupart des filles de sa classe. Virent alors les commentaires sexistes et sexuels.

Pendant quelques années, Bellatrix détesta son corps. Et il fallut du temps avant qu’elle ne se réconcilie avec lui. Les dommages faits à son estime de soi et sa confiance par contre ne se résorbèrent que partiellement.

Mais sa vie aurait put être calme et globalement joyeuse, si la mythologie n’avait pas décidé de lui rentrer dedans avec la vitesse d’un TGV en pente et sans frein pour tout exploser. Elle avait été trop discrète jusqu’à présent, et décida de faire sauter sa couverture avec l’apparition d’une…chose.

Bellatrix aurait put la nommer, si elle n’avait pas décidé d’abord de fuir le plus loin possible, en tentant d’entrainer avec elle ses mères, alors présentes, et qui ne semblaient pas du tout voir la même chose qu’elle.

Etait-elle victime d’hallucinations ?
Après tout, les monstres ça n’existaient pas.

La visite, après cet incident plus qu’étrange, d’un individu prétendu seeker –quoi que cela veuille dire- ne fut que la suite logique parfaitement illogique aux yeux de Bellatrix.

Les mythes antiques ? Des histoires.
Les dieux ? Inventions humaines.
Les créatures ? Interprétations des peurs des plus crédules.
Des pouvoirs mystérieux ? Tentatives d’explications irrationnelles de faits parfaitement rationnels.
Des demi-dieux ? Des rêves pris pour la réalité.

Bref, Bellatrix n’était pas prête à faire la connaissance de la mythologie grecque. Malheureusement pour elle, la mythologie grecque s’en foutait totalement. Et puisque le moment était aux révélations, Mercédès et Mary apprirent à leur fille les évènements qui entouraient sa naissance et son adoption.

Bellatrix l’aurait prit mal, si on lui en avait laissé le temps. Malheureusement, du temps, elle semblait en manquer. Tout allait trop vite, personne ne la laissait jamais seul, pour pouvoir penser, digérer, faire le point. Les informations improbables s’enchainaient les unes après les autres, jusqu’à ce qu’on lui apprenne que le seul moyen pour elle, et accessoirement sa famille, d’être en sécurité, était de partir s’installer seule dans une ville située dans un autre pays.

Poussée par le seeker, ses parents et les cauchemars qu’elle faisait de l’attaque qui avait mené à toute cette situation, Bellatrix quitta son chez elle et le Canada pour la ville d’Ierotheon.

Ce fut plusieurs jours après, laissée seule dans un nouvel appartement, qu’elle put faire le point.

Sa mère biologique était prétendument une déesse –elle était incapable d’y croire.
Sa mère biologique l’avait abandonnée aux mains de son père biologique.
Son père biologique –qui était en fait l’homme qu’elle considérait depuis toujours comme son oncle- l’avait à son tour abandonné aux mains de sa sœur.
Celles qu’elles considéraient comme ses mères et qui l’avaient élevées étaient en fait ses tantes. Et semblaient avoir à leur tour décidées de l’abandonner entre les mains des personnes les plus étranges et improbables de la planète.

Son monde et le peu de confiance qu’elle avait en elle s’effondrèrent.
Et il fallut de nombreux, très nombreux mois, pour tout remettre à plat. Et encore…


+ elle est arrivé à Ierotheon il y a trois ans ; elle a toujours refusée d’apprendre à utiliser ses pouvoirs ; elle a néanmoins dû se résoudre à apprendre à se battre pour pouvoir quitter la cité ;
elle passe six mois de l’année dans la ville, et les six autres mois chez ses parents ; si elle pouvait ne jamais rencontrer sa mère divine, ce serait parfait